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6 avril 2013 6 06 /04 /avril /2013 00:01
Croire sans voir

 

Homélie du deuxième dimanche de Pâques  /Année C
07/04/2013

 

Qui a vu - de ses yeux vu - le Christ ressuscité ?

Sans doute Jean dans sa vision de l'Apocalypse, ou les 11 réunis avec Marie au Cénacle après Pâques. Mais sur 1,2 milliards de chrétiens habitant la planète, aucun n'a vu de ses yeux Jésus de Nazareth en chair et en os. C'est donc que la demande de Saint-Thomas n'a été exaucée par le Christ que pour justement ne plus jamais l'être à nouveau.

« Heureux ceux qui croient sans avoir vu ».
C'est la seconde béatitude de l'Évangile de Jean qui n’en comporte que deux.
La première porte sur le service : « heureux êtes-vous si du moins vous faites de même » (vous laver les pieds les uns aux autres).
La seconde porte ici sur la foi. Le service et la foi sont pour Jean les deux sources du vrai bonheur de vivre.

Saint-Thomas voulait appuyer sa foi sur des preuves indiscutables. Il anticipe en cela une mentalité très moderne, qui voudrait que la foi s'impose par la raison, qui voudrait utiliser la science pour démontrer la foi (ou au contraire l'infirmer, ce qui revient au même). À l'image de ceux qui font du suaire de Turin une évidence de la Résurrection, ou des exaltés qui font des « miracles » pour forcer l'adhésion des foules, notre brave Thomas tombe lui aussi dans le piège de ses sens. « Je ne crois que ce que je vois » est devenu après lui un slogan rationaliste qui entend disqualifier la foi comme attitude non scientifique.


 

Or les sciences actuelles ont mis en pièces cette vision expérimentale trop physique de la réalité.

Déjà on savait depuis longtemps que le vent existe même s'il est invisible : on voit les feuilles de l'arbre bouger, on ne voit pas le vent, qui pourtant existe et souffle.

Les sciences de l'infiniment grand nous disent de même que bien des planètes que nous croyons voir n'existent plus en fait depuis les millions d'années. Bien des galaxies invisibles nous échappent et pourtant sont bien réelles. Il y aurait même peut-être des multi-univers parallèle aux nôtres où d'autres réalités se superposeraient à la nôtre !

Les sciences de l'infiniment petit sont encore plus déroutantes. Nous croyons voir et toucher de la matière solide et pourtant la physique moderne nous dit que le vide est l'élément le plus important de la matière. La mécanique quantique nous fait douter de la vie ou de la mort du chat de Schrödinger, et nous rappelle encore avec  le principe d'incertitude d’Heisenberg que les particules sont insaisissables, sinon sous le mode probabiliste. La relativité d’Einstein nous invite à nous méfier de ce que nous croyons percevoir, car tout dépend de la position et de la vitesse de l’observateur...

Bref, le réel n'est plus ce qu'il était.

L'évidence des sens nous induit en erreur, et il ne faut surtout pas croire ce que l'on voit !

 

D'ailleurs, nos jeunes générations reliées et connectées le savent d'instinct. Personne ne voit les réseaux qui nous environnent : 3G, Wifi, ondes radio, signaux GPS etc. et pourtant chacun y « croit » dur comme fer en téléphonant sans fil, en surfant en Wifi en écoutant la radio ou en se guidant sur son TomTom. Le virtuel est omniprésent, et compte autant que ce que l'on appelait autrefois le réel.

Les techniques d'effets spéciaux et de transformations numériques sont d'ailleurs si performantes qu'il ne faut surtout pas croire comme réel tout ce qui est vu à la télé, au cinéma ou sur Internet !

 

Croire sans voir paraît donc aujourd'hui une attitude hautement compatible avec l'état le plus avancé des sciences et technologies contemporaines.

Croire sans voir redevient crédible.

 

Bizarrement, quand il s'agit de relations humaines, nous devenons soudain terriblement plus exigeants qu'avec nos écrans.
Les couples veulent du sonnant et du trébuchant dans leurs relations. S'il n'y a apparemment plus de retour sur investissement, alors la séparation devient urgente, et beaucoup pensent que c'est légitime. C'est que l'amour est par essence invisible. Comme l'écrivait saint Augustin (qui s'y connaissait en la matière) : « il la voit, elle  le voit, personne ne voit l'amour ». Seuls des signes de l'amour sont perceptibles. Ils correspondent aux traces des clous sur les mains et les pieds du ressuscité, ainsi que son côté blessé. Les signes de l'amour ne sont pas des preuves, plutôt des encouragements.

À la limite, demander sans cesse des signes est pathologique. Que dirait-on d'un convalescent qui refuse de se séparer de sa béquille ? À force de demander trop souvent des signes visibles, la moitié des couples s'épuise vite et change de partenaires pour enfin être payé de retour, croit-on.

 

En entreprise également, croire sans voir est une attitude devenue rare. La pression est forte pour avoir des résultats immédiats. Le court-termisme n'afflige pas seulement les actionnaires, mais encore les managers, les directeurs de recherche, les responsables opérationnels. Car croire sans voir demande de laisser le temps au temps, de parier sur ce qui va naître et pas seulement sur ce qui existe déjà. Les politiques eux-mêmes échappent difficilement à ce piège, eux qui pourtant devraient incarner le rêve commun et pas seulement la gestion au coup par coup.

 

La foi au Christ ressuscité nous éduque à un autre regard sur l'invisible. Ce n'est pas parce que c'est invisible que c'est vrai. Mais le vrai souvent ne se voit pas.

Il en va ainsi de la dignité du sans-abri, de la beauté de la prostituée, de la grandeur du délinquant, du trésor d'âme de l'enfant difficile...

Heureux ceux qui croient en eux sans les avoir vu manifester de telles qualités ! Ils deviendront de vrais éducateurs, de vrais compagnons de route ; ils ouvriront les portes d'une résurrection personnelle étonnante.

 

Cachée ou publique, la résurrection du Christ appelle une libre adhésion que ne force aucune évidence, aucune preuve, aucune manipulation.

Saint-Jean de la Croix en témoignait avec force à partir de son expérience mystique :

« Mais aujourd'hui que la foi est fondée sur le Christ et que la loi évangélique est manifestée dans cette ère de la grâce qu'il nous a donnée, il n'y a plus de motif pour que nous l'interrogions comme avant, ni pour qu'il nous parle ou nous réponde comme alors. Dès lors qu'il nous a donné son Fils, qui est sa Parole, il n'a pas d'autre parole à nous donner. Il nous a tout dit à la fois et d'un seul coup en cette seule Parole; il n'a donc plus à nous parler. (…)

L'Apôtre nous donne à entendre par là que Dieu s'est fait comme muet; il n'a plus rien à dire; car ce qu'il disait par parties aux prophètes, il l'a dit tout entier dans son Fils, en nous donnant ce tout qu'est son Fils.

Voilà pourquoi celui qui voudrait maintenant l'interroger, ou désirerait une vision ou une révélation, non seulement ferait une folie, mais ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les yeux uniquement sur le Christ, sans chercher autre chose ou quelque nouveauté. Dieu pourrait en effet lui répondre de la sorte: Si je t'ai déjà tout dit dans ma parole, qui est mon Fils, je n'ai maintenant plus rien à te révéler ou à te répondre qui soit plus que lui. Fixe ton regard uniquement sur lui; c'est en lui que j'ai tout déposé, paroles et révélations; en lui tu trouveras même plus que tu ne demandes et que tu ne désires. Tu me demandes des paroles, des révélations ou des visions, en un mot des choses particulières; mais si tu fixes les yeux sur lui, tu trouveras tout cela d'une façon complète, parce qu'il est toute ma parole, toute ma réponse, toute ma vision, toute ma révélation. »

Jean de la Croix, La montée du Carmel

 

Le chrétien croit « sur parole ».
Tout au plus savoure-t-il quelques signes qui l'aident à croire.
Beaucoup de maîtres spirituels témoignent qu'après les premiers éblouissements, leur vie religieuse ne fut qu'une longue fidélité aride où tout point d'appui tangible semblait avoir disparu.
C'est sans doute comme cela que Dieu traite ses amis : en leur enlevant la béquille du visible.

 

« Heureux ceux qui croient sans avoir vu » : laissons résonner en nous cette béatitude.

Qu'elle nous rende plus libres pour ne rien exiger en retour de nos engagements précieux.

Qu’elles nous rendent attentifs à ce qui naît, et donc à ce qui n'est pas encore.

Qu'elles nous apprennent à remercier pour les signes reçus, et remercier plus encore pour l'absence de signes...

 

1ère lecture : La communauté des premiers chrétiens (Ac 5, 12-16)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

À Jérusalem, par les mains des Apôtres, beaucoup de signes et de prodiges se réalisaient dans le peuple. Tous les croyants, d'un seul cœur, se tenaient sous la colonnade de Salomon.
Personne d'autre n'osait se joindre à eux ; cependant tout le peuple faisait leur éloge,
et des hommes et des femmes de plus en plus nombreux adhéraient au Seigneur par la foi.
On allait jusqu'à sortir les malades sur les places, en les mettant sur des lits et des brancards : ainsi, quand Pierre passerait, il toucherait l'un ou l'autre de son ombre.
Et même, une foule venue des villages voisins de Jérusalem amenait des gens malades ou tourmentés par des esprits mauvais. Et tous, ils étaient guéris.

 

Psaume : Ps 117, 1.4, 22-23, 24-25, 26ab.27a.29

R/ Éternel est son amour !

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! 
Éternel est son amour ! 
Qu'ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !

La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs 
est devenue la pierre d'angle : 
c'est là l'œuvre du Seigneur, 
la merveille devant nos yeux. 

Voici le jour que fit le Seigneur, 
qu'il soit pour nous jour de fête et de joie ! 
Donne, Seigneur, donne le salut ! 
Donne, Seigneur, donne la victoire ! 

Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! 
Dieu, le Seigneur, nous illumine. 
Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! 
Éternel est son amour !

 

2ème lecture : « Je suis le Vivant : écris ce que tu vois » (Ap 1, 9-11a.12-13.17-19)

Lecture de l'Apocalypse de saint Jean

Moi, Jean, votre frère et compagnon dans la persécution, la royauté et l'endurance avec Jésus, je me trouvais dans l'île de Patmos à cause de la parole de Dieu et du témoignage pour Jésus. C'était le jour du Seigneur ; je fus inspiré par l'Esprit, et j'entendis derrière moi une voix puissante, pareille au son d'une trompette.
Elle disait : « Ce que tu vois, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept Églises qui sont en Asie mineure. »
Je me retournai pour voir qui me parlait. Quand je me fus retourné, je vis sept chandeliers d'or ;  et au milieu d'eux comme un fils d'homme, vêtu d'une longue tunique ; une ceinture d'or lui serrait la poitrine. 
Quand je le vis, je tombai comme mort à ses pieds, mais il posa sur moi sa main droite, en disant : « Sois sans crainte. Je suis le Premier et le Dernier, je suis le Vivant : j'étais mort, mais me voici vivant pour les siècles des siècles, et je détiens les clés de la mort et du séjour des morts. Écris donc ce que tu auras vu : ce qui arrive maintenant, et ce qui arrivera ensuite. »

 

Evangile : Apparition du Christ huit jours après Pâques (Jn 20, 19-31)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Thomas a vu le Seigneur : il a cru. Heureux celui qui croit sans avoir vu ! Alléluia. (cf. Jn 20, 29)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

C'était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d'eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit : « Recevez l'Esprit Saint.
Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. »

Or, l'un des Douze, Thomas (dont le nom signifie : Jumeau) n'était pas avec eux quand Jésus était venu.
Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l'endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »

Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d'eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! »
Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d'être incrédule, sois croyant. »
Thomas lui dit alors : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Jésus lui dit : « Parce que tu m'as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Il y a encore beaucoup d'autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre. Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom.
 Patrick Braud

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Published by L'homélie du dimanche

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